En l’honneur du Mois de l’histoire des Noirs, nous rendons hommage et commémorons la mémoire d’une personnalité marquante de notre histoire collective : le chef d’orchestre James DePreist (1936-2013).  Ce grand homme a su léguer un important héritage à la ville de Québec. En effet, de 1976 à 1983, l’Orchestre symphonique de Québec a eu le privilège d’être dirigé par cette figure marquante. Sommité mondiale de la musique, il fut maintes fois récompensé dans le cadre de sa carrière de chef d’orchestre. DePreist est également un symbole de la lutte pour l’égalité, notamment en ce qui concerne les droits des personnes à mobilité réduite.

L’amour

Le chef d’orchestre James Anderson DePreist, né le 21 novembre 1936 à Philadelphie, est issu d’une famille de musiciens. Sa mère Ethel Anderson est chanteuse lyrique, mais abandonne sa prometteuse carrière afin de se consacrer à sa famille. La jeune sœur de celle-ci, Marian, poursuivra quant à elle sa voie et deviendra une célèbre contralto.

C’est ainsi que l’impressionnante Marian Anderson (1897-1993), tante maternelle de James DePreist, a marqué l’histoire non seulement pour la finesse de son chant, mais aussi pour avoir fait sa place comme cantatrice afro-américaine. À cette époque, la loi lui interdit même d’exercer son métier et de se produire sur scène dans plusieurs lieux du pays. Aussi, autant par son talent qu’en sa qualité de femme afro-descendante, elle demeure une pionnière exemplaire dans le milieu de la musique classique, ainsi qu’une source d’inspiration inestimable pour l’avancée des droits civiques. D’ailleurs, l’Encyclopédie Britannica la décrit comme une  « [c]hanteuse américaine, [étant] l’une des plus remarquables de son époque. » On raconte même qu’en 1939, on a tenté de l’empêchée d’effectuer une prestation au Constitution Hall pour des raisons discriminatoires. Cependant, la première dame américaine Eleonor Rooselvelt proteste contre cette injustice et organise un concert extérieur. Ainsi, plus de 75 000 personnes se rassemblent devant le Lincoln Memorial pour admirer et encourager la merveilleuse cantatrice.

 

Le jeune James Anderson DePreist, encouragé par sa famille à développer son amour de la musique, étudie la composition au Conservatoire de musique de Philadelphie. Il obtient un diplôme de maitrise de l’Université de Pennsylvanie dans les années 1950. Il est alors invité à diriger de prestigieux orchestres partout à travers le monde.

 

La musique

Au cours de près d’une décennie (1976-1983), James DePreist œuvre à la direction musicale de l’Orchestre symphonique de Québec (l’Orchestre). Partout sur son passage, il charme par son savoir-faire, sa prestance et son humanisme. Le chroniqueur de musique classique du Devoir, Christophe Huss, dit même de lui dans l’article James DePreist, 1936-2013 : L’artisan de la fin d’un tabou? (2013) : « Je garde l’image d’un homme calme, professionnel et courtois ».

DePreist se démarque par son leadeurship hors pair. Dans l’ouvrage manquant le centenaire de l’Orchestre, Un siècle de symphonie à Québec (2002), l’auteur Bertrand Guay souligne qu’un mot revient souvent lorsque l’on parle du chef d’orchestre : « présence ». Dans le même livre, on relate ses exploits et ses initiatives remarquables. On souligne l’amabilité et la détermination de celui qui, à tout prix, a voulu s’intégrer à la vieille capitale. Cette dernière le charme par son caractère unique de ville francophone nord-américaine. Il affirme, en 1976 : « Vous avez besoin d’un chef qui parle français. Attendez! Je ne suis encore qu’un chef invité. Quand je serai votre directeur musical, je parlerai français. » Il tient promesse.

Ne reculant devant rien pour le 75e anniversaire de l’Orchestre (1978), il s’attaque à l’audacieux Sacre du printemps de Stravinski et à la tout aussi fabuleuse Deuxième symphonie de Mahler. La démocratisation de la musique classique est primordiale pour DePreist, qui instaure un marathon musical dès la saison 1977-1978 : pour trois dollars, les gens peuvent entendre un flot ininterrompu de musique, aller et venir à leur guise sur les lieux et même manger dans la salle, de 17 h à minuit. Les marathons reviendront ensuite pour quatre saisons et connaitront un succès monstre!

En mars 1977, James DePreist est sacré musicien du mois par le Musical America et amène l’Orchestre à se produire au prestigieux Kennedy Center Hall, à Washington.

Amoureux de jazz, il convainc le grand trompettiste Dizzy Gillepsie à se produire en tant qu’artiste invité lors d’un concert de l’Orchestre, le 1er mai 1980.

Le rêve

À travers les épreuves, le chef d’orchestre fait preuve de courage et de ténacité. En 1962, il contracte une poliomyélite sévère, à la suite d’un séjour professionnel en Thaïlande. Il garde malheureusement des séquelles permanentes de cette maladie. Loin de se laisser abattre, il poursuit sa carrière et devient le porte-étendard de la lutte pour les droits des personnes à mobilité réduite. Il se bat pour faire changer les lois et également l’architecture des bâtiments qui limite certaines personnes dans leur liberté de mouvement. Nous pouvons le voir (ci-dessous) aux prémices d’un documentaire qui met en lumière le travail de personnalités militant pour les droits de personnes vivant avec des limitations physiques et abordant le sujet de l’égalité des chances. Il y souligne qu’il a: « […] grandi dans une famille où il y avait trois choses : l’amour, la musique et le rêve ».

Artiste prolifique DePreist est aussi poète et publie plusieurs recueils de poésie. L’une de ses œuvres, The Distant Siren (1989), voit sa préface signée par la grande Maya Angelou.

La nuit est plus lumineuse que le jour

Elle a en elle une lueur

La promesse d’un monde plus éclatant

Plus vif que tout soleil

Et des chemins de traverse

Que le jour efface

 (Traduction libre d’un extrait de The Night is Brighter, poème de James DePreist)

 

Sources

https://www.ledevoir.com/culture/musique/370677/artisan-de-la-fin-d-un-tabou

https://www.septentrion.qc.ca/catalogue/un-siecle-de-symphonie-a-quebec

https://www.arts.gov/honors/medals/james-depreist

https://www.nytimes.com/2013/02/10/arts/music/james-depreist-pioneering-conductor-dies-at-76

https://www.britannica.com/biography/Eleanor-Roosevelt#ref711520

https://www.britannica.com/biography/Marian-Anderson

http://chevalierdesaintgeorges.homestead.com/depriest.html

James DePreist’s Precipice Garden

 

 

L’Orchestre symphonique de Québec tient à remercier l’autrice Murielle Jassinthe pour sa collaboration à la rédaction de cet article.