Une leçon de musique à l’OSQ

Par Emmanuel Bernier – Le Soleil
28 mars 2024

CRITIQUE / Difficile de dire si c’est l’effet Schuldt, mais qu’il est agréable de voir des salles bien garnies à l’OSQ depuis quelque temps! Après les concerts des 18 et 21 février, de véritable succès de billetterie (même si le premier était donné par une cheffe invitée), de nombreux mélomanes ont de nouveau franchi les portes du Grand Théâtre jeudi soir pour entendre l’Orchestre symphonique.

Le concert, qui était aussi donné jeudi matin en version allégée, mettait surtout en vedette l’Allemand Augustin Hadelich dans le Concerto pour violon de Brahms, mais permettait également d’entendre trois autres œuvres relativement courtes et pas toutes connues : l’Ouverture de Fidelio de Beethoven au tout début (suivie du concerto) et, en seconde partie, la rare Petite suite de Lutosławski et Till l’espiègle de Strauss.

Un directeur artistique, c’est d’abord un talent, mais c’est aussi des relations. Si le talent de Clemens Schuldt ne fait plus aucun doute, on se pince devant les solistes que sa présence permet d’amener à Québec, que l’on pense à la mezzo-soprano Isabel Leonard en janvier dernier ou au pianiste Fazil Say les 10 et 11 avril prochain. Augustin Hadelich, un ami d’enfance de Schuldt, est de la même trempe.

Le violoniste Augustin Hadelich (Dominick Gravel/Archives La Presse)

Que dire de son Concerto de Brahms, à part qu’on est quelque part près de la perfection? La sonorité est pure comme le cristal, se déployant avec une déconcertante facilité. Économe dans ses gestes, le musicien s’approprie l’œuvre si naturellement qu’on croirait qu’il est en l’auteur. Sa cadence du premier mouvement, jouée avec la plus grande assurance, a cloué sur leur siège les spectateurs qui, pour une fois, ont retenu leurs toux.

Clemens Schuldt a pour sa part opté pour un tempo plutôt retenu dans le premier mouvement, dirigé avec un grand impact dramatique, avant un Adagio assez (mais pas trop) allant. D’autres chefs empruntent l’avenue contraire (un Allegro plus impatient et un Adagio contemplatif), mais les deux choix ont chacun une logique qui se justifie.

Le soliste a quant à lui complètement changé de style pour son rappel avec son propre arrangement de Por una cabeza du compositeur de tango franco-argentin Carlos Gardel.

Le reste de la soirée a été à peu près de la même eau, même si l’orchestre était moins solide au tout début avec l’Ouverture de Fidelio, dans laquelle le Presto final aurait de surcroît pu décoiffer davantage (il nous a semblé pris au même tempo que les sections «allegro»).

La Petite suite de Lutosławski, dont les enregistrements se comptent sur les doigts d’une main, rappelle pour sa part quelque peu les Danses de Galánta de Kodály, que Schuldt a dirigées lors de sa dernière venue à Québec. Sympathique, sans être transcendant.

Till l’espiègle est déjà le troisième poème symphonique de Strauss proposé par le chef depuis ses débuts il y a deux ans à l’OSQ, avec Don Juan et Mort et transfiguration. Il nous a d’abord mis – avec l’humour et l’authenticité qui le caractérisent – au parfum sur les différentes péripéties du héros et leur traduction en musique.

Contrairement à son Don Juan de 2022, à notre avis insuffisamment emporté dans les passages rapides, Schuldt y va cette fois sur les chapeaux de roue (quand ça s’y prête), et ça marche!

La konzertmeister invitée Abby Walsh, qu’on espère revoir, fut excellente dans son solo.

On retrouvera Clemens Schuldt le 10 et 11 avril dans Chostakovitch, Ravel et Rachmaninov.