Une leçon de musique à l’OSQ

Par Emmanuel Bernier – Le Soleil
22 février 2024

CRITIQUE / Le party était littéralement pogné sur la scène de la salle Raoul-Jobin mercredi soir pour le premier concert de Clemens Schuldt à la tête de l’Orchestre symphonique de Québec depuis novembre. La foule était nettement plus nombreuse que d’habitude, remplissant la salle de haut en bas. Elle était aussi plus jeune… et on ne peut plus enthousiaste!

Il faut dire que les artistes sur scène ont plus donné plus que le client en demandait. Le nouveau directeur musical de l’OSQ n’est évidemment pas le seul chef à se distinguer par son énergie, mais son plaisir visible d’être sur scène est assez exceptionnel. Et contagieux.

La première pièce du programme, les envoûtantes et colorées Danses de Galánta de Kodály (un compositeur hongrois du début du XXe siècle), sont évidemment une occasion en or pour Schuldt et l’orchestre de se faire valoir.

Clemens Schuldt (Jocelyn Riendeau/Le Soleil)

L’Allemand parvient remarquablement à magnifier les contrastes de la partition, autant entre les différentes danses qu’au sein de celles-ci. Un irrésistible souffle magyar souffle tout à coup dans la salle.

Changement total de style ensuite avec le Concerto pour piano de la compositrice afro-américaine Florence Price, écrit quelques années plus tôt que les Danses. Incorporée au programme à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, l’œuvre était défendue par Michelle Cann, qui s’est faite une spécialité de ce répertoire. Elle est d’ailleurs l’une des seules à l’avoir immortalisée sur disque, tout récemment chez Avie Records.

Michelle Cann (Jocelyn Riendeau/Le Soleil)

La partie d’orchestre de ce concerto en un seul mouvement (on en distingue néanmoins trois bien distincts), perdue, n’a été reconstituée que récemment à partir d’indications de la compositrice.

Difficile de dire ce qui est de Price ou pas, mais la partition, qui s’inscrit dans un romantisme affirmé mâtiné de negro spirituals, est éminemment efficace. Price, elle-même pianiste (elle a créé son propre concerto), savait très bien écrire pour son instrument. Sans être transcendant, le concerto se laisse écouter avec plaisir.

La pianiste afro-américaine, vêtue d’une robe multicolore, se révèle une vraie bête de scène dès les arpèges introductifs. Comme le chef, elle s’amuse visiblement dans cette musique, en particulier dans la dernière partie, inspirée de la juba, une danse introduite par des esclaves de Caroline du Sud.

La musicienne a mis le feu à la salle avec l’arrangement jazz déjanté du Prélude en do dièse mineur, op. 3, no 2, de Rachmaninov par Hazel Scott.

Michelle Cann (Jocelyn Riendeau/Le Soleil)

La deuxième partie de la soirée nous ramenait plus d’un siècle en arrière avec la Symphonie no 7 en la majeur, op. 92, de Beethoven. Clemens Schuldt nous en livre une interprétation enlevée, tout d’un bloc (il en enchaîne même les deux premiers mouvements directement).

On pourrait souhaiter quelques parts d’ombre dans cet éblouissant flot de lumière (l’Allegretto est quand même rapide et certains passages pourraient ménager davantage de suspense), mais comment résister à un tel enthousiasme?

Fidèle à sa promesse d’offrir des surprises chaque concert, Schuldt a terminé par un court rappel, une adorable turquerie du «Mozart noir», Joseph Bologne de Saint-George.