Sheila Jaffé est une musicienne très active sur la scène torontoise. (Jocelyn Riendeau/Le Soleil)

Par Emmanuel Bernier, collaboration spéciale
23 octobre 2025
Le 21 mars 1987, Le Soleil annonçait discrètement, à la fin d’un article sur la venue à Québec du violoniste Yehudi Menuhin, qu’un de ses jeunes collègues, Darren Lowe, devenait le nouveau violon solo de l’Orchestre symphonique de Québec. Trente-huit plus tard, c’est Sheila Jaffé qui lui succède.

Les habitués de l’OSQ ont certainement remarqué qu’un certain nombre de personnes ont occupé le siège le plus important de la formation depuis le départ de Darren Lowe quelques temps avant la pandémie. Catherine Dallaire, bien sûr, qui, à titre de violon solo associé, assume depuis l’intérim, un intérim allongé par le grand confinement et la recherche d’un nouveau directeur musical. Mais aussi plusieurs candidats au poste de violon solo qui ont été testés par l’orchestre. Sheila Jaffé faisait partie de ceux-là.

«C’est un long processus d’auditions, confie l’heureuse élue. Il y a une grande liste de traits d’orchestre à jouer et deux concertos contrastants. Ils m’ont aussi fait jouer de la musique de chambre avec quelques-uns des collègues. Il y a ensuite eu trois semaines d’essai avec l’orchestre pour voir comment ça fonctionnait avec moi.»

«Ça fait toujours un peu bizarre d’arriver dans un nouvel orchestre et de s’installer comme chef de section, on ne sait jamais exactement ce que les gens veulent. Mais ça s’est très bien passé, tout le monde est tellement chaleureux à l’OSQ. Ils ont été ouverts à mes idées, à mon jeu. J’ai déjà aussi des amis dans l’orchestre avec qui je m’entends très bien», raconte celle qui a trouvé en Clemens Schuldt une «musicalité qui ressemble à la [sienne]».

Mme Jaffé est une musicienne très active sur la scène torontoise, où elle est alto solo de la Canadian Opera Company et du Ballet national du Canada, tout en cultivant l’art du violon dans des projets parallèles.

Un travail colossal l’attend

Celle qui est née à Montréal et a grandi en Floride est toutefois loin d’être étrangère à la capitale québécoise. Désirant étudier sérieusement le violon, la musicienne est venue s’installer, à l’âge de 13 ans, chez la cousine de sa mère, nulle autre que Catherine Dallaire, qui lui a enseigné pendant deux ans au Conservatoire. «C’est super beau, 20 ans plus tard, de venir travailler à ses côtés», fait remarquer la violoniste.

Le travail qui attend Sheila Jaffé est néanmoins colossal. «Ça prend beaucoup de préparation, parce que le violon solo doit quand même avoir une bonne idée de la partition d’orchestre. Je dois être capable de jouer ma partie très bien et aussi penser à ce qui se passe, évaluer la situation… Je ne peux pas avoir mes yeux toujours collés à la partition, je dois regarder autour de moi souvent», ajoute la musicienne, à qui incombe aussi la tâche de déterminer les coups d’archet de tous les instrumentistes à cordes de l’ensemble.

Sheila Jaffé, nouvelle violon OSQ, et son fils Léo. (Jocelyn Riendeau/Le Soleil)

Comment le violon solo arrive-t-il à influencer ses collègues durant un concert? «Je joue quand même d’une manière assez physique, indique la violoniste. Il faut aussi faire des petits signes de tête. Pour une grande attaque, je peux par exemple lever mon bras très évidemment en avance, comme un chef le ferait, mais avec mon archet. Les gens sont habitués de lire les subtilités des mouvements des autres musiciens. En musique de chambre, c’est comme ça qu’on communique.»

On devine, avec toutes ces exigences, que ne devient pas violon solo qui veut. «C’est difficile d’attirer des gens pour ce poste, car beaucoup de violonistes ne voudraient pas cette responsabilité, la pression qui vient avec ce rôle, explique la musicienne. Mais pour moi c’est motivant. Ça dépend vraiment de la personnalité. J’ai toujours aimé être un peu en vedette!»